ASTRA, l’équipe-projet Inria/Valeo qui œuvre pour la mobilité intelligente de demain
À mi-parcours, l’équipe-projet commune ASTRA (Automated Systems for safe TRAnsportation) menée conjointement par Inria et Valeo, fait le point sur ses avancées dans le domaine de la mobilité terrestre intelligente. Codirigée par Fawzi Nashashibi (Centre Inria de Paris) et Benazouz Bradai (Valeo), cette équipe explore des solutions pour les véhicules autonomes, alliant recherche académique et expertise industrielle. Retour sur les objectifs, les défis et les premières réalisations d’ASTRA à l’occasion de la plénière mi-projet de l'équipe.
Fawzi Nashashibi
Directeur de recherche au Centre Inria de Paris et codirecteur de l’équipe-projet commune ASTRA (Inria / Valeo).
Benazouz Bradai
Directeur R&I au sein de la division Brain de Valeo et codirecteur de l’équipe-projet commune ASTRA (Inria / Valeo). Maître expert chez Valeo, spécialisé dans les aides à la conduite, les véhicules autonomes, la localisation et la fusion de données.
Quelle est l’origine du projet ASTRA et comment s’inscrit-il dans l’historique de collaboration entre Inria et Valeo ?
Fawzi Nashashibi (F.N.) : L’idée du projet ASTRA est née chez Inria, dans le cadre d’une recherche de partenariats stratégiques dans le domaine des véhicules autonomes et de la mobilité intelligente. Après des collaborations antérieures avec Valeo, il nous est apparu naturel de proposer à Valeo d’être notre partenaire sur ce projet commun de recherche.
Benazouz Bradai (B.B.) : Cela fait près de 15 ans déjà que nous collaborons régulièrement avec Inria, via des thèses et des projets communs et collaboratifs. Mais jusqu’à présent, c’était plus une approche de collaboration opportuniste : « J’ai un sujet spécifique. Inria a des compétences dans ce domaine, on lance un contrat spécifique ou une thèse pour avancer sur le sujet ». Le projet ASTRA a permis d’établir une ligne directrice et la mise en place de ressources communes.
(F.N.) : L’équipe commune a vu le jour en février 2022. L’initiative a bénéficié du soutien du plan France Relance, visant à promouvoir l’innovation industrielle, en particulier pour les véhicules autonomes, et d’une contribution financière de l’Agence Nationale de Recherche.
Quels sont concrètement les objectifs du projet et où en êtes-vous aujourd’hui ?
(F.N.) : Le projet ASTRA, d’une durée de 4 ans, se concentre sur la mobilité terrestre intelligente, en particulier les véhicules hautement automatisés et connectés. Cela inclut des technologies comme la vision par ordinateur, la localisation, l’intelligence artificielle, les systèmes décisionnels, et la communication véhicule-infrastructure. L’objectif est de développer des systèmes fiables et déployables pour les véhicules autonomes.
(B.B.) : L’objectif scientifique et technique est de développer des méthodologies et des architectures pour des véhicules hautement automatisés, au-delà du niveau 2. Nous visons un niveau plus avancé d’automatisation, avec des concepts qui se doivent d’être à la fois performants, certifiables et déployables. On est progressivement en train de monter en puissance. 2025 sera une année importante. On va désormais commencer à intégrer nos développements dans de petits démonstrateurs.
Quel est le périmètre de recherche et quels sont les principaux axes de travail ?
(F.N.) : Nous travaillons sur 4 axes principaux.
- La perception et l’interprétation de l’environnement : il s’agit de la détection des objets, détection de la voie, la fusion des données des différents capteurs, la segmentation sémantique de scènes et le traitement des données en conditions météorologiques dégradées ou de faible visibilité.
- La localisation, en particulier, pour améliorer la précision et l’intégrité de la localisation en fusionnant les données des capteurs du véhicule avec celles des systèmes GNSS (Géolocalisation et Navigation par un Système de Satellites) ou pour les remplacer.
- La prise de décisions : c’est entre autres développer des algorithmes pour planifier les trajectoires et manœuvres des véhicules.
- Et enfin, la mutualisation des données pour la mobilité intelligente : c’est notamment l’utilisation des données collectées par plusieurs véhicules pour améliorer la localisation, la cartographie et les décisions de conduite, en particulier dans des contextes de trafic dense, rouler en peloton…
Comment l’équipe du projet a-t-elle été constituée et en quoi les apports des équipes d’Inria et de Valeo sont-ils complémentaires ?
(F.N.) : L’équipe commune est composée d’une trentaine de personnes, 12 personnes de Valeo (6 de Valeo anSWer et 6 de Valeo.ai) et une quinzaine de chercheurs Inria. La collaboration est basée sur une complémentarité des approches : d’un côté, l’approche de recherche très en amont d’Inria, avec une vision très long-terme, et de l’autre, l’apport de Valeo avec une expertise clé sur la mise en œuvre concrète dans un environnement industriel, le développement, la mise en application, le respect des standards, des architectures software certifiées…
(B.B.) : Valeo apporte sa vision concrète d’industriel et d’acteur de l’automobile et de leader de la mobilité. On a une vision globale du marché et de son évolution, compte tenu de nos contacts étroits avec tous les constructeurs. On connaît les tendances, on sait où on va dans 5 ans, dans 10 ans… On sait ce qui est réalisable ou non en termes d’intégration…
Quelles sont les principales avancées en matière de recherche depuis que le projet a débuté ?
(F.N.) : L’équipe a déjà réalisé des progrès significatifs dans plusieurs domaines, notamment la perception et la prise de décision, avec par exemple l’utilisation d’un mono-capteur pour reconstruire des environnements 3D qui est, pour nous, un vrai succès.
(B.B.) : Des progrès en prise de décision ont été réalisés avec notamment des travaux sur la prédiction de trajectoire dont une publication qui a été récompensée par le prix Georges Sarridis du « Best Paper ». L’équipe a également fait des avancées dans la génération de manœuvres de véhicules autonomes, qui sont en train d’être intégrées et testées en simulation et prochainement sur prototypes réels.
En quoi les équipes d’Inria et de Valeo impliquées dans le projet ont-elles évolué depuis le lancement du projet ?
(B.B.) : Clairement, les équipes, tant chez Inria que chez Valeo, ont grandi avec le projet. Côté Valeo, nos ingénieurs tirent profit des idées nouvelles issues de la recherche fondamentale et d’une pensée out of the box. Cela permet une véritable synergie et des échanges d’une grande richesse scientifique.
(F.N.) : Côté Inria, ce qu’on gagne, c’est le point de vue de l’industriel. La volonté d’aboutir, non pas simplement à des métriques théoriques, mais à un vrai système, jusqu’à l’implémentation, l’intégration et la certification.
Quels sont les principaux challenges auxquels vous devez faire face ?
(B.B.) : Plusieurs défis subsistent, notamment en perception. Comment garantir la robustesse des algorithmes dans des situations dégradées, comme la pluie ou la nuit ? La généralisation des algorithmes à des scénarios non vus pendant l’apprentissage est également un défi majeur. Un autre défi consiste à garantir l’explicabilité des algorithmes basés sur l’intelligence artificielle, essentielle pour assurer la sécurité des véhicules autonomes.
(F.N.) : La mise à jour en temps réel des cartes et la gestion des situations non cartographiées sont également des enjeux importants. L’objectif est de permettre aux véhicules de réagir de manière fiable à des environnements dynamiques et de garantir un haut niveau de sécurité.
À propos d’Inria : Inria est l’institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. La recherche de rang mondial, l’innovation technologique et le risque entrepreneurial constituent son ADN. Au sein de 220 équipes-projets, pour la plupart communes avec les grandes universités de recherche, plus de 3 900 chercheurs et ingénieurs y explorent des voies nouvelles, souvent dans l’interdisciplinarité et en collaboration avec des partenaires industriels pour répondre à des défis ambitieux. Institut technologique, Inria soutient la diversité des voies de l’innovation : de l’édition open source de logiciels à la création de startups technologiques (Deeptech).